Peut-on profiler les actifs français en activité physique ?

Source : Free public domain CC0 photo.

Cette étude, en collaboration avec Moha et Scalab (laboratoire de l’Université de Lille), a été menée sous la co-direction du docteur Marc Godard (PhD en psychologie cognitive) et du professeur Yvonne Delevoye-Turrell (PhD en neurosciences comportementales).

Présentation résumée (en français)
Présentation résumée (en anglais)

Présentation scientifique vulgarisée

Le saviez-vous ?

95% des français sont insuffisamment actifs dans leur quotidien selon l’Anses.

L’activité physique désigne l’ensemble des activités où le corps est en mouvement. Il n’y a donc pas que le sport ! L’Organisation Mondiale de la Santé recommande de faire environ 30 minutes d’activité physique par jour.


Un constat plus ou moins étonnant quand on sait que le sujet de recherche autour de l’activité physique n’est pas nouveau. Plus précisément, une étude de Hoare et ses collaborateurs (2017) montre que les motivations à pratiquer l’activité physique sont « le maintien en bonne santé », « l’apparence », « perdre ou maintenir son poids » et les blocages à ne pas en pratiquer est « le manque de temps,.

En sachant cela, pourquoi certains s’engagent dans l’activité physique et d’autres non ?

Il existe un mot pour désigner ce phénomène en psychologie; « The Intention-Action Gap » traduit en français par l’écart entre l’intention et l’action. Ce phénomène consiste à souligner que le passage à l’action est plus difficile que prévu. Et ça se remarque facilement en activité physique, pas vrai ?

Qui n’a pas connu les bonnes résolutions prises en janvier qui nous amènent à aller s’inscrire dans une salle de sport et s’y rendre tout le mois pour finalement stopper en avril ?

Si vous êtes dans ce cas, rassurez-vous car vous n’êtes pas seuls ! Et c’est d’ailleurs pour cela que le chercheur Godin et ses collaborateurs ont, en 1986, proposé un modèle théorique avec une intention présente ou non couplée à l’action qui est présente ou non.

On peut donc distinguer 4 profils distincts : Ben qui n’a pas l’intention de pratiquer l’activité physique et ne pratique pas, Maria qui n’a pas l’intention de pratiquer de l’activité physique mais qui marche à longueur de journées au travail, Romain qui a l’intention de faire de l’activité physique mais qui n’en fait pas par manque de temps et Camille qui a l’intention de faire et pratique l’activité physique même au travail.

Savoir que différents types de profils nous permettrait de mieux adapter des messages, des produits et / ou des services à leurs besoins spécifiques. On imagine facilement que le discours entre Romain, l’individu qui a l’intention de faire mais ne pratique pas l’activité physique et Camille, la grande passionnée du mouvement n’est pas le même !

Retrouvons-nous ces profils au sein de la population Française ?

Pour le découvrir, nous avons interrogé 225 participants français âgés entre 18 et 64 ans.

L’enquête a été publiée en ligne sur la plateforme Framaforms.org et durait en moyenne 30 minutes. Elle regroupe des questions socio-démographiques telles que l’âge, le sexe et la catégorie socioprofessionnelle et 12 questionnaires scientifiques qui mesurent le plaisir à pratiquer l’activité physique, la motivation à pratiquer, la perception de la santé, le soutien social, la planification et les objectifs d’activité physique et l’auto-efficacité.

L’ensemble des participants a donné son consentement libre et éclairé.

analyse des données

Une méthode de Machine learning ; le clustering a été utilisé. Cette méthode consiste à fouiller les données pour trouver des similarités et différences communes et à les mettre ensemble dans ce qu’on appelle un cluster.

Pour effectuer l’analyse, nous avons gardé uniquement 3 variables :

  • L’intention mesurée par le questionnaire d’objectifs d’activité physique de Rovniak et ses collaborateurs (2002),
  • L’activité physique pendant les loisirs qui constitue une partie du questionnaire de Craig et ses collaborateurs (2003),
  • Puis, l’activité physique au travail qui constitue une autre partie du questionnaire de Craig et ses collaborateurs (2003).

L’ensemble des analyses a été réalisé via le langage de programmation R.

Résultats Interpretés

Nous avons trouvé 4 groupes mais ils diffèrent de ceux présentés en introduction.

  • Le premier groupe n’a pas d’intention à faire de l’activité physique et ne fait pas d’activité physique.
  • Le second groupe a l’intention de faire de l’activité physique et en fait uniquement au travail.
  • Le troisième groupe a l’intention de faire de l’activité physique mais n’en fait pas.
  • Le quatrième groupe a l’intention de faire de l’activité physique et en fait uniquement dans les loisirs.

Nous sommes allés plus loin en cherchant quelques caractéristiques sur 5 variables (l’auto-efficacité, les points positifs à faire de l’activité physique, les points négatifs, la tolérance à l’effort et la préférence de l’effort) à chaque groupe.

  • Le groupe 1 est démotivé par au moins l’auto-efficacité et la tolérance à l’effort.
  • Le groupe 2 est motivé par au moins l’auto-efficacité.
  • Le groupe 3 n’a pas de motivation ou démotivation significative parmi ces 5 variables.
  • Le groupe 4 est motivé par au moins les points positifs de l’activité physique et l’auto-efficacité.

*Des études approfondies auront lieu pour connaitre l’ensemble des motivations et démotivations de chaque groupe. De plus, nous avons désormais 641 participants, les résultats seront mis à jour prochainement.

Take-home message

Il y a en effet différents profils d’individus.

Il est important de les prendre en compte et de prendre aussi en compte leurs caractéristiques pour personnaliser notre discours, nos produits et nos services.

Adaptons les « objets du quotidien » aux besoins des individus !

Remerciements

Merci à Moha et à l’Université de Lille ainsi qu’à mes encadrants Madame Delevoye et Monsieur Godard par l’opportunité offerte et l’accompagnement dans ce projet.

Présentation de cette étude lors d’un congrès scientifique international en psychologie (l’ICPS) à Bruxelles (Belgique) en mars 2023. Cela a donné lieu à des discussions très riches avec des scientifiques !
Références
  • Anses. (2022). Manque d’activité physique et excès de sédentarité : une priorité de santé publique. Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-e xc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9- publique
  • Craig, C. L., Marshall, A. L., Sjöström, M., Bauman, A. E., Booth, M. L., Ainsworth, B. E., … & Oja, P. (2003). International physical activity questionnaire: 12-country reliability and validity. Medicine & science in sports & exercise, 35(8), 1381-1395.
  • Godin, G., Shephard, R. J., & Colantonio, A. (1986). The cognitive profile of those who intend to exercise but do not. Public Health Reports101(5), 521.
  • Hoare, E., Stavreski, B., Jennings, G. L., & Kingwell, B. A. (2017). Exploring motivation and barriers to physical activity among active and inactive Australian adults. Sports5(3), 47.
  • Rovniak, L. S., Anderson, E. S., Winett, R. A., & Stephens, R. S. (2002). Social cognitive determinants of physical activity in young adults: a prospective structural equation analysis. Annals of behavioral medicine : a publication of the Society of Behavioral Medicine, 24(2), 149–156. https://doi.org/10.1207/S15324796ABM2402_12